Sandra Rocha | Le moindre souffle
La Fondation Calouste Gulbenkian – Délégation en France est heureuse de soutenir le CPIF – Centre photographique d’Ìle-de-France lauréat de l’appel à projets 2020-2021 Expositions – GULBENKIAN, pour l’exposition “Le moindre souffle” de l’artiste Sandra Rocha.
Commissariat de Sandra Rocha et Nathalie Giraudeau, en collaboration avec Fannie Escoulen.
« L’installation déployée par Sandra Rocha au sein des espaces du Centre Photographique d’Île-de-France est née de la rencontre féconde entre des image s fixes et des images en mouvement produites par l’artiste au coeur de ses Açores natales, dans les entrailles même de sa terre nourricière.
Dans la continuité de ses précédentes séries, Sandra Rocha met à nouveau au centre de cette nouvelle composition la place de l’homme dans son environnement naturel et les liens de communauté qui se tissent entre les vivants.
Les paysages réconfortants qu’elle convoque, tout droits sortis du jardin d’Éden, invitent les corps, apparitions célestes, à entrer en communion avec cette mère-nature dont la luxuriante végétation semble protéger ces hommes, en totale fusion avec les éléments.
Dans un geste d’hyper attention à ce qui l’entoure, Sandra Rocha fait se rencontrer l’humain et l’animal, le minéral et le végétal, sans distinction ni hiérarchie. Ses images nous interpellent sur notre statut de vivant. Nous sommes tous nés de cette matrice terrienne, mais qu’en avons-nous fait ? L’ère de l’anthropocène, marquée par l’emprise de l’être humain sur la nature, a produit les dérèglements que l’on connaît sur les écosystèmes de la planète. Notre civilisation peut-elle se régénérer et permettre à chacune des espèces qui la composent d’exister en harmonie les unes avec les autres ?
Comme une invitation à cette réflexion, Sandra Rocha instaure un dialogue (une réconciliation ?) entre les mondes, entre les êtres, et plante le décor de ses questionnements. Imprégnée par des chefs-d’oeuvre littéraires classiques, ici celui des Métamorphoses d’Ovide, elle rend aussi hommage à d’autres textes contemporains tel que celui de Jean-Christophe Bailly, Le moindre souffle (sur le vivant), véritables compagnons de route qui la guident dans sa quête et la nourrissent. À travers des séquences d’images, elle met en scène des micro-récits symboliques, reflets de nos états d’âme et de nos souffrances. Comment vivre avec son identité, sa sexualité, sa féminité, comment appréhender celle ou celui qui nous ressemble mais qui nous est aussi étranger ?
Les corps juvéniles qu’elle engage au sein de ses images se parlent et entrent en résonance avec la pierre, les arbres, l’eau. Les animaux ne sont jamais loin, eux-mêmes complices d’une humanité où chacun pourrait retrouver sa dignité. En prise avec leur environnement direct, ces corps pourraient à tout instant se transformer, se réincarner et se faire fleur, bête, astre ou dieu. Ils sont le prolongement de possibles vi es antérieures, et pour reprendre les mots d’Emanuele Coccia, des « …formes qui s’estompent les unes dans les autres, (…) s’engendrent les unes des autres ».
Au loin se fait entendre le chant millénaire des Métamorphoses. C’est Narcisse que l’on voit attaché à chercher à l’extérieur de lui quelqu’un qui est en lui, qui est lui. C’est Actéon transformé par Diane en cerf ou l’Hermaphrodite en perte d’identité dont le corps fusionne avec celui de la nymphe Salmacis. C’est tant d’autres mythologies portant en elles tous les méandres de la vie, auxquelles Sandra Rocha offre une continuité dans un hymne à la beauté du monde et à ses agitations, dans le souf fle d’une polyphonie du vivant. »
Texte de Fannie Escoulen
Visuels : © Sandra Rocha