José Loureiro | CROQUE-COULEUR
Lauréat de la 4e édition de l’appel à projets 2023-2024
Frac Grand Large – Hauts-de-Seine 17 février au 1er septembre 2024 |
Le Frac Grand Large invite à découvrir le peintre portugais José Loureiro au travers d’un parcours réunissant près de cent-vingt œuvres sur plus de quinze ans de carrière et des séries inédites.
Né en 1961, José Loureiro découvre la peinture dès l’âge de seize ans, se forme à l’école des beaux-arts de Lisbonne et commence à exposer dès la fin des années 1980.
Son style d’abord expressif aux accents presque surréalistes évolue rapidement vers une épure. L’année 1993 marque un tournant plus abstrait autour d’une recherche sur la trame et la grille, qui continue de nourrir son travail : exploration de la mécanique du geste, des rapports d’échelle, synthèse des mouvements et autonomie de la couleur.
Le parcours non chronologique est introduit par la série « La vocation des acariens » de 2017 dont deux tableaux sont issus de la collection du Frac Grand Large. José Loureiro peint à l’huile sur papier ou sur toile, la matière est liquide, les couleurs sont vives et donnent parfois une impression de volume. Des lignes noires librement inspirées de pattes d’insecte sillonnent la surface. L’évocation repoussante de cet animal invisible à l’œil nu est contrebalancée par le caractère charnel des formes. Isolés dans leurs cadres, ces acariens sont comme des lettres d’un alphabet, mais accrochés au mur leur composition rythme l’espace comme une partition.
Formé de cercles concentriques – comme les cernes d’un arbre ou les phares d’une voiture – le motif de l’œil apparait pour la première fois avant de donner lieu à une série autonome où la couleur vient littéralement avaler notre regard.
José Loureiro a créé en 2011 une œuvre monumentale intitulée Boson de L., une peinture, ici constituée de 141 toiles horizontales superposées dont les différents tons correspondent à une gamme entière de coloris prêts à l’emploi. Les vibrations lumineuses de la peinture font écho à l’architecture industrielle du Frac éclairé au néon, tout en convoquant la lenteur et les aléas du geste manuel.
Tout autour, la série des « Narcisse » réalisée en 2023 est présentée dans son intégralité. Dix-sept personnages accueillent le visiteur comme dans une galerie de portraits. Pourtant leurs visages sont à peine esquissés, ce sont leurs attitudes qui les caractérisent. Certains corps sont plus acrobatiques que d’autres, plus androgynes ou plus grotesques. Intitulés Narcisse, ces tableaux sont-ils une ode à la métamorphose ou une parodie de la comédie humaine ?
Dans les salles adjacentes, le parcours est ponctué par des citations de l’artiste, et des dialogues inédits se créent entre des œuvres d’époques différentes. L’abstraction concrète des tableaux réalisés à partir de tissus de gaze imbibée de couleur et imprimés en patchwork ou en monochrome (2023) rencontre une esthétique de la grille qui – avec la série « Synapse morte » (2018) – flirtait déjà avec le textile et ses raccommodages. Ailleurs, ce sont la Créature et les Conjoints (2021) qui répondent aux différentes rythmiques visuelles des tableaux abstraits (2008, 2015 et 2017) dont l’expressivité, les contrastes et les disjonctions refoulent les images pour mieux retrouver la peinture.
« Une famille comme les autres » est la série la plus récente. Elle est constituée de neuf portraits collectifs qui renvoient à des moments ou des endroits précis dans la biographie de l’artiste. Intitulés Fête au village, Vertes années ou encore Première tentative de fuite, ces tableaux, de format presque carré, s’attachent à décrire des relations souvent ambiguës.
José Loureiro, Une famille comme les autres. Une journée trouble, 2023 © José Loureiro, Adagp, Paris, 2024
Les formes géométriques interfèrent avec la gestuelle libre de silhouettes inachevées tandis que certains motifs colorés renforcent la planéité du tableau. Les arrière-plans sont monochromes et un peu éteints, comme pour marquer le temps passé. Ramenées au premier plan et parfois tronquées, les scènes apparaissent comme des instantanés, des fragments ou des indices d’une situation. En guise de visage, les protagonistes arborent des sortes d’œil-caméra, qui les anonymisent et renvoient notre regard médusé.
Dans la lignée des toiles du peintre britannique William Hogarth (1697-1764), célèbre pour ses fables moralistes, ces tableaux aux accents parfois violents se révèlent une véritable satire de la vie familiale et de l’aliénation.
En complément à l’exposition, une salle vidéo permet d’appréhender de manière originale un vaste panorama du travail de l’artiste. Chaque film relate une de ses expositions passées, au travers d’un diaporama couplé à des musiques minimalistes ou concrètes trouvées sur internet. L’artiste donne ainsi une interprétation amusante de ses propres expositions, qu’il nomme ses « divertissements, souvenirs personnels des expositions ».
Keren Detton, Commissaire de « CROQUE-COULEUR », Directrice du Frac Grand Large